Trois spectateurs. L’éditeur, une voyageuse attirée par la promesse de la mer, une spectatrice curieuse. Toi, tu étais plus vieille. Tu avais l’empreinte de ta sœur. Elle t’avait dit : « tu es Bessette », « ce sont tes mots ». L’éditeur s’est très légèrement reculé aux premières phrases. Il dira ensuite que la parole venait le chercher. Il reviendra en cours de spectacle, les coudes sur les genoux, penché en avant, visage tendu vers la scène. La voyageuse est assise au premier rang. Elle sourit d’un bout à l’autre du spectacle. Un accord immédiat avec ce qui se passe sur le plateau. La spectatrice, seule, de l’autre côté de l’allée, une attention très soutenue. Vers la fin, elle met la main devant sa bouche comme surprise par quelque chose de très grave. Cette fois-là, c’est peut-être ce vieilli dont tu parles. Cette remontée du tragique. Clémence, à la régie, écoutait particulièrement. Elle a trouvé la musique très belle. Par vague, les deux spectatrices et le spectateur faisaient corps avec le plateau, le touchant presque. Avant même de se lever, la voyageuse dit : « Magnifique ». Nous prenons conscience que c’est un cadeau. Nous offrons. Le nombre n’a plus aucune importance. L’œuvre est là, offerte à ceux qui sont là. Chaque sortie de scène, il y a un apaisement et un agrandissement intérieur. Nous sommes heureux. Après une diversion vers la place des Carmes, nous rentrons dans le jardin, sous les arbres, nous travaillons sur la terrasse. Nous en oublions de ressortir et d’aller voir un spectacle. Ce n’est pas le temps d’aller voir. C’est encore et toujours le temps d’écrire.
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