Le corps est de plus en plus lourd avant. Il faut l’emmener, ce corps, jusqu’au plateau. Dès qu’on commence la séquence 1 en échauffement, le corps s’apprivoise. Des festivalières inconnues. L’une achètera le livre après le spectacle. Enthousiasme. Et toujours cette surprise de découvrir Bessette. Encore une fois : « comment cela se fait-il que je ne la connaissais pas ? » L’énigme Bessette, permanente. Et pourtant elle est là. Toujours là. Tu as dit : « c’est de plus en plus important ». Chaque séance est un nouvel enjeu. Tu as encore cette expression de ne pas savoir jusqu’où tu peux aller. Ça se lit sur ton visage lorsque la lumière revient. Dans nos sourires. Comment tu prends mes mains pour aller saluer, comme si on se recevait l’un l’autre. Nathalie et Richard, qui attendent derrière la porte pour placer le décor de leur spectacle, à chacune de nos sorties de scène, nous parleront de l’immense sourire sur nos visages. Les « étoiles de mer », dira Richard. Dans nos yeux. Ils nous l’ont dit chaque fois. Dehors, un couple nous attend. La femme vient tout de suite nous parler de la musique. Elle est venue parce qu’elle savait qu’il y avait de la flûte. Elle-même est flûtiste. Le public sait pourquoi il vient. Nous partons à Vedène voir Saison sèche. Nous assistons, heureux, à un acte politique, réalisé, mis en œuvre, incarné sur le plateau. Un choix courageux, solide, magnifiquement travaillé. Un travail d’une grande intelligence sur les signes, et les signes qui enferment. Phia Ménard réussit à nous montrer des figures de l’homme enfermés dans leur propre pouvoir. Une ovation unanime. Public debout. Nous crions. Une confirmation de notre propre recherche. Se sentir solidaires dans l’absence de compromis, l’usage de la saturation. Nous nous disons que la parole politique actuellement est mieux portée par la danse que par le théâtre. Déjà ce sentiment quand nous voyons Story Water. Saison sèche inspire les échanges. Dans la navette du retour, discussion spontanée au fond du car, avec Catherine et son amie. La surprise devant les points de vue. La surprise devant la diversité des lectures. La surprise devant la détermination de la parole de Renzo. Tout naturellement, nous parlons de Bessette. Les liens se font. L’université. La psychanalyse. Nous nous reverrons le lendemain. Je lui laisse le livre de Grande Balade. Après Saison sèche, pas question de voir un autre spectacle. Nous décidons de nous offrir un dîner sur une petite place qui nous plaît tant. Nous ferons la fermeture. La discussion ne peut pas s’arrêter.
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