La radicalité a travaillé depuis la discussion de la veille, prolongée à deux, tard dans la nuit, reprise au réveil. Nous nous emparons du mot et ce n’est pas la même radicalité. On va affirmer ce qui déjà se passe. L’élégance. La tenue. L’union. Un chant qui nous appartient de plus en plus, à nous deux. Ce que produit le travail sur la radicalité, c’est précisément de ne rien provoquer en dehors de ce qui est. Je suis de plus en plus atteinte par les sons que tu crées. Ma parole en est de plus en plus irriguée. L’écriture Bessette ne se sépare plus de ta composition musicale. Ce qui se produit ce jour-là, étrangement, c’est que notre discussion sur la radicalité provoque néanmoins une nouvelle forme, une puissance très particulière, empreinte aussi d’une certaine violence. Et ce qui se révèle de plus en plus, c’est le tragique. Tu parleras de désolation deux jours plus tard. Et toi, tu me diras : « je ne sais pas jusqu’où je vais ». J’ai presque peur. On est dans la matière. Le son entre nous est équilibré. Jusqu’au bout, il le sera. Immédiatement. Stephen, Armel, Maryse, dont le regard ne faiblit pas un instant. Marie-Anne, Frédéric, tendu vers le plateau, Claire. Et toujours après la séance, cette découverte, étonnée, de l’inconnue Bessette. Nous sommes allés rencontrer Stephen à la maison de la poésie. Jacques avait déjà prononcé le nom de Bessette. Nous sommes heureux qu’il soit là, malgré l’épuisement. Avignon épuise. Nous le voyons sur les visages. L’épuisement est avant. Après la performance, acteurs autant que spectateurs, nous avons tous puisé dans Bessette. Jouer fait du bien. Le dire fait du bien. À chaque sortie de scène, cette même sensation profonde, pleine, de libération et d’apaisement. Nous parlons de plus en plus longuement avec le public après la séance. Il devient difficile de voir d’autres spectacles. Bessette centre toutes nos heures, tous nos jours, toutes nos questions. Rien d’autre à sa place. Le ciel apaisé, le soir, lui aussi. Le soleil déclinant dans les feuillages. Une lumière orange et or, à partir de 19 heures. Retrouvailles avec Renzo, place du palais des papes, et immédiatement la discussion s’engage sur la question d’aller voir la performance de Phia Ménard. Discussion très nourrie sur la notion de genre, d’identité sexuelle, face à face avec le palais des Papes. Retour, repas, fatigue, sommeil.
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