Grégoire, Rafaëlle et ses amies, Yves, Caroline, et des inconnus. Quelques corps ne bougeront pas du tout de toute la durée du spectacle. Caroline reçoit l’ensemble comme une musique. Elle ferme les yeux. Penche la tête. Quelqu’un dira après : « votre manière d’entrer, et de commencer, sans transition, m’a apaisée ». Elle dira : « c’est ça que j’ai envie de voir ». Nous entrons lentement. Le bruit des pas est le premier rythme. Je dis les premiers mots. Je déroule la première phrase. Sud. Nous commençons comme nous descendrions dans l’eau, sans rupture. On est tout de suite dedans. On avait évoqué les volutes sur le chemin. Maintenant, avant chaque spectacle, nous testons le son sur une séquence entière. La première. J’en ai besoin. Comme dans un rêve. Trouver la légèreté et l’élan d’une parole au plus près de moi. Embarquement pour l’étrange. Ne pas couper le mouvement de la pensée. Laisser la pensée œuvrer, agir, jusqu’au dernier mot de la phrase. Comme si on faisait un bain de son avant d’y aller. On se reconstitue sur le plateau avant de commencer. En dehors, avant, après, tout manque d’attention, de présence. Tout est fatigué. Alors, nous avons besoin de nous isoler, et c’est le seul moyen, la scène. Je vais prendre la mesure du son là où sera le public, comment ça sort de ce côté-là, qu’est-ce qu’ils entendent. Je découvre la profondeur des ondes de la flûte, comment elle se prolonge. Ta voix est différente quand tu es sur le gradin. La nuance est différente. Ce n’est pas une répétition, puisqu’on ne répète plus. On s’échauffe. Ce que nous allons faire est périlleux. Au bord du son, au bord du souffle, au rythme haletant. Je prends dans mon corps l’urgence, le halètement que tu provoques. Je te regarde, à présent, et je pars avec toi. La phrase qui nous a guidés : « un couloir qui va vite ».

15/07/2018

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